Une histoire de trou en Pays de C...

Billet amer sans aucune ressemblance avec la réalité et donc personne ne s'y reconnaîtra

 

Elle avait de l'eau jusqu'aux mollets, normal pour une grenouille de bénitier. À chaque fois que ça inondait, elle ne manquait pas de s'en plaindre à son maire de la droite de l'église catholique dont elle briquait la sacristie. Ben, elle finit par vieillir à la maison de retraite et ses enfants vendirent vite fait contre un tas d'or le tas de tôles sur poutres et torchis pourris à un jeune couple bien content de sortir d'une affreuse zone pour nourrir à la campagne leurs trois enfants grâce au salaire radioactif de la centrale toute proche.

Protégé des vents du nord grâce au jardin, le brave homme mit en route sa bétonnière tous les dimanches et transforma le taudis en bunker avec colombages peints à la main. L'eau montait toujours jusqu'aux mollets les jours de grandes pluies, vu qu'elle venait de fort loin et depuis tant de milliers d'années pour se jeter dans la bétoire à cinquante mètres et ressortir toute fraîche dans la source en aval. Le maire de la droite de l'église catholique entreprit quelques tours de pelleteuse aux frais de la commune et sans en parler au conseil pour faire passer en douceur un permis de construire qu'il n'avait accordé que pour favoriser une retraite digne à sa grenouille de bénitier, il faut aider les pauvres gens... Et prévoir le tout-à-l'égout parce qu'une entreprise très cotée en bourse talonne déjà nos chers élus, le nouvel étalon n'étant plus ni l'or ni le pétrole, c'est l'eau et plus elle est sale (comme l'argent) plus elle rapporte.

 

En face, sa vieille copine en fit tout autant derechef, vente à bon prix et départ à la maison de vieux. Il faut dire que le jardin qui vient d'ouvrir au public donne beaucoup de charme et d'attrait aux environs. Mais de flotte on ne parle point. Les acheteurs se souviennent, une fois les pieds dans l'eau, avoir bien été avertis, le carnet de chèque sur la table, par un honnête petit alinea noyé dans une mer d'offres alléchantes et de bons sentiments. D'ailleurs le maire claironnait avec zèle qu'il n'y avait jamais eu d'inondations par ici...

 

Les nouveaux d'en face y saccagèrent leur histoire d'amour naissante sous les lames de fond des tempêtes de fin de millénaire, il faut dire qu'ils avaient mis à profit leur belle confiance et un été chaud pour investir dans un intérieur coquet. Après quelques interventions de pompiers, le maire de droite y alla aussi de la pelleteuse gratos locale, de manière plus ou moins heureuse car nous avions pris l'habitude au jardin de voir notre élu catholique confondre nos centaines d'heures de travail à mains nues avec un bac déversoir pour eaux boueuses agricoles ce qui n'empêchait nullement nos chers endettés (devenez propriétaires...) de patauger lamentablement dans leur cosy. Le maire essuya ses bottes et assura hardiment que nenni, point d'eau, vu que la mère du jeune était une proche de l'agent immobilier de droite catholique et l'affaire juta encore... Entre-temps une grosse entreprise de travaux publics cotées en bourse s'installait dans les environs suite aux tempêtes, coulées de boue et autres déplacements présidentiels.

 

Ceux qui rachetèrent à nouveau étaient bien mûrs vu que la femme accoucha quasiment le stylo du chèque encore à la main. Ils furent un peu moins naïfs en surélevant d'un étage ce qui n'était autrefois qu'un four à pain sur cours d'eau intermittent, les bottes resteraient au rez-de-chaussée... De deux petites vieilles en voici huit plein d'appétits à tirer la chasse directement dans la bétoire. Entre-temps une grosse entreprise cotée en haut du caca-rente rachetait la gestion locale des eaux.

 

Un bac déversoir, à cela destinait-on notre jardin ? Je comprends maintenant pourquoi les types à la pelleteuse locale (pas gratos du tout quand c'est nous qui la demandions) avaient "oublié" de poser une buse en aval en posant celle d'amont lors de la réfection de nos talus. Ici les traditions ont la peau dure, tôt ou tard les nouveaux venus, ces étrangers, doivent repartir et permettre à monsieur l'adjoint au maire du chef-lieu de reprendre une commission dans son agence immobilière lors de la revente. Les aider à être dégoûtés fait partie du jeu. Il y a un plan, une procédure exclusante, inscrite dans la tête du notable, et qui n'a rien à voir avec l'histoire ou avec la géologie de son pays, mais seulement avec le profit.

 

Entre-temps le type qui nous avait vendu son terrain au plus cher (normal, nous en voulions...) était devenu maire de la droite de l'église catholique de son bled ainsi que petit chef à tous les étages où l'on tire les ficelles de la gestion du territoire dans nos campagnes. On entreprit donc un grand remembrement, opération qui consiste à agrandir les surfaces de ruissellement et de prise au vent pour assurer de bons bénéfices au monde agricole et aux sauveurs de désastres. Notre village élu alors un maire de la gauche du temple protestant et... vous connaissez le fractal? ce qui est en petit est à l'image de ce qui est en grand et c'est ainsi que les énormités arrivèrent par la voie du cœur.

 

Là où il y avait des trous, les fameuses bétoires qui drainent ce pays crayeux, on dit qu'il n'y en avait pas. La terre est riche par ces endroits, faudrait pas gâcher la bonne marchandise et ce n'est pas quelques tonnes de fongicides et de nitrates qui changeront quoique ce soit à la détérioration inéluctable de la qualité des eaux potables qui sortent loin de là sur une autre commune et qu'une société très cotée en bourse se propose de blanchir; et puis les coulées de boues ne sont pas de la faute des agriculteurs mais de la pluie.

Les bureaux d'études falsifièrent les cartes, les calques tremblèrent, des propriétaires terriens simulèrent de fausses bétoires à l'aide de pneus de tracteurs enterrés, les fonctionnaires entérinèrent et on creusa et on va creuser encore d'immenses trous dans la terre et le budget du peuple là où il aurait été si bon de faire des jardins qui filtrent les eaux qui rentrent sous terre pour sortir aux robinets.

 

Il est un de ces trous que ces messieurs anonymes projettent de creuser devant la porte de notre jardin... les plans sont faits: Un trou immense qui va coûter plus de 30 années de ce que nous percevons par vos entrées ! C'est un grand bienfait, il défigurera les abords de notre site prétentieux et démontrera la puissance d'une société pleine d'avenir cotée au Second Marché, il asséchera en permanence un jardin planté d'espèces drainantes et absorbantes qui vont crever lamentablement et, lorsque la pluie tombera on enverra le trop plein au jardin (le déversoir est sur le plan), génial ! Evidemment nos voisins ne verront aucune différence, ces jours là leurs bottes seront pleines, les crottes flotteront et les pompiers seront de retour.

 

Mais il y a beaucoup plus intéressant encore, car cette dépense justifiera l'intervention de ceux qui savent blanchir les eaux sales avec l'argent des serfs: il est prévu l'installation d'une pompe à merde au niveau de la bétoire pour remonter les futurs eaux d'égouts vers un bassin puant qu'on placera le long de la grand route pour que ça sente bon la campagne quand on passe et donc, CQFD, le terrain qui borde la bétoire et jouxte le jardin de l'autre côté devient terrain à bâtir avec vue imprenable sur jardin grâce au nouveau tuyau merdeux, ça tombe bien la parcelle appartient justement au maire agricole qui tire les ficelles à tous les étages !

 

Entre la merde à droite et la boue à gauche &endash;ou le contraire, tout dépend du point de vue-, nous comprenons de plus en plus sur le terrain qu'il ne reste plus qu'une seule politique sur cette planète: celle des profiteurs, gros profit des actionnaires et petits profits des agriculteurs vénaux. Cette politique nous amène droit dans le mur. Mais il y a une chose qui échappera totalement à tout ces gens et qui les rend si jaloux à notre égard: c'est le bonheur de vivre qui est réservé à ceux qui n'ont pas choisi la course au profit et la peur d'en perdre une miette, à ceux qui gardent toute leur acuité pour savourer l'échange avec l'espace, le temps et les gens.

 

Stanislas NOEL

le 09/05/2005

Ce plan, lui n'est pas une fiction:

Déblai évacué: 32 000 m3

Coût Total Hors Taxe: 335 000 Euros

Vous pouvez encore déposer vos aimables remarques concernant les travaux connexes et hydrauliques sur les registres de réclamations mis à disposition des citoyens dans le cadre de l'Enquête Publique sur le projet de Remembrement, à la Salle Polyvalente de Normanville les Vendredi 13, Mardi 17, Mercredi 18 et Jeudi 19 Mai 2005 de 9H30 à 12H et de 14H à 17H.

Sinon joignez vous à la pétition lancée par nos amis de Crépitude en cliquant ICI

Merci !

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